mardi 23 juin 2015

Le 21 juin: Le Chardonnet par l'Eperon Migot



  
Réveil à 3h15 après une nuit dans le refuge d'hiver attenant au refuge Albert 1er. Départ peu avant 4h.

 Nous descendons sur le glacier tout de suite en-dessous du refuge. C’est le début de saison, le glacier est encore bien bouché, c’est donc l’itinéraire à privilégier.  Un coup d’œil rapide vers le ciel, au loin, les nuages semblent s’amonceler, mais il n’y a pas de vent, pas encore…

Au bout d’1h30 d’approche, nous atteignons la rimaye. J’ai un moment d’hésitation, je sens que le temps va se dégrader, ce petit vent annonciateur du mauvais temps…Je me sens fatiguée et comme happée vers le monde d’en- bas, vers la chaleur d’un lit, vers le repos, comme si j’hésitais à basculer dans cet autre univers, qui pourtant m’attire, m’aimante, comme si, en dernière minute, il y avait une sorte de poids qui me retenait en bas. Mathias, lui, n’hésite pas. Il franchit la rimaye et se lance dans l’ascension. Je ravale mes frissons, et ma frousse, et le suis. Nous commençons par une pente de neige, et rejoignons une portion mixte, mais majoritairement en neige, assez longue. En dépit de la météo, qui se gâte de plus en plus, les conditions de neige et de glace sont excellentes. Le regel est très bon, la voie est bien tracée et la glace a une consistance parfaite, rassurante, les piolets et les crampons s’y ancrent sans trop d’effort, et tiennent bien.

Je reprends du poil de la bête et me concentre sur la progression. Les piolets loin devant, l’un après l’autre, les pieds bien au fond des traces, et ainsi de suite. J’observe Mathias, quand je le sens ralentir, ou taper un peu plus des pieds, je me dis que la section est plus délicate. Je ressens les effets de l’altitude, j’ai le souffle court, une légère nausée. Le temps se dégrade, et ma motivation avec. Le brouillard qui nous enveloppe contribue à me plonger dans un état second, je me demande ce que je fais là, comment va se terminer cette histoire. Le vent et la neige nous giflent le visage. Je n’ai jamais fait de course en haute montagne dans des conditions pareilles.  C’est un état étrange, indépendant de la peur qui fait trembler, quand le cœur bat la chamade et qu’on pense à la chute. Non. C’est comme si une partie de moi abdiquait, se préservait en refusant de vivre l’effort, et l’autre partie jouait le jeu à fond…

Nous débouchons sur une large pente de neige à flanc de l’éperon. Je commence à avoir froid, mes doigts deviennent gourds…Au-dessus de cette pente de neige, une section plus redressée que je devine comme étant la pente terminale. La fatigue me ralentit, je fais très régulièrement des micro-pauses au bout de quelque pas, mais la corde me tire, il faut avancer. Dans cette dernière section, plus raide, je réussis à bien me mobiliser à nouveau. Je m’applique à tenir le rythme et à ne pas faire de pause, à bien ancrer mes piolets, j’aime ce mouvement, projeter le bras vers l’avant, la lame qui mord dans la glace franchement. Et…nous voilà au sommet ! Perdus dans la brume, sur ce pic bien pointu, le nom d’Aiguille du Chardonnet n’est pas usurpé !


Dans les rappels

Avec ces conditions météo, la pause au sommet est brève, j’enfile ma Gore-Tex, avale une pâte d’amande. Et c’est reparti. Dans ce brouillard, la descente risque d’être délicate...Nous suivons d’abord l’arête, heureusement, il y a des traces. Ces traces descendent un couloir de neige qui vient buter sur un ressaut rocheux. Il doit y avoir un rappel…Quelques hésitations et nous trouvons le maillon. Normalement, il y a 2 rappels. Mathias descend, libère la corde. Je le rejoins, mais il n'a pas trouvé le rappel suivant…Note corde est un peu courte, mauvaises indications du topo qui nous annonçait que tout pouvait se faire avec une corde de 50m…Nous descendons un couloir de neige avant de trouver le 2ème maillon de rappel. 2ème rappel. Nous commençons à avoir des têtes de bonshommes de neige, les sourcils pleins de givre, le sac recouvert d’une fine pellicule de neige.

 Maintenant, il faut retrouver les traces…Nous ne voyons pas à 10m, le vent et la fine couche de neige tombée ont atténué les traces. Nous descendons un couloir de neige puis obliquons vers la droite. Là, nous retrouvons les traces, qui descendent le glacier en rive gauche, rimaye à franchir d’un tout petit saut.  Ouf ! Ca y est, les difficultés sont derrière nous. Il nous reste juste à ne pas perdre les traces sur ce grand désert blanc que semble être le glacier au milieu des nuages. Du blanc sur du blanc, du blanc avec du blanc, je flotte dans le blanc, ne quittant pas la trace des yeux, l’état flottant que provoque le relâchement dû à la fin des difficultés est accentué par tout ce blanc…Cette redescente sur le glacier, me paraît à la fois très longue, et très courte. Au fur et à mesure que nous perdons de l’altitude, le brouillard devient moins épais, la trace plus marquée, la température remonte.

Il est 9h45 quand nous rejoignons le bout du glacier à l’aplomb du refuge et enlevons nos crampons. 6h de course. Tout ce bout de vie vécu et il est à peine 10h du matin ! 


Approche : 1h30

Voie : 2h

Descente : 2h30
Topo C2C 

Eperon Migot: itinéraire n°3, en jaune. N°9 itinéraire de descente
  Pour la petite histoire, cette voie tient son nom de son ouverture en 1929 par Camille Devouassoux, célèbre guide chamoniard et André Migot, grand voyageur qui ralliera Paris à Calcutta à bicyclette en 1938!

Le 20 juin: Voie Ravanel (Aiguilles Crochues)



La Voie Ravanel



Les Aiguilles Crochues se trouvent dans les Aiguilles rouges, à l'est de l'arrivée du télésiège de l'Index. Le petit massif des Aiguilles Rouges s'étend, grosso modo, de la zone Planpraz/Brévent jusqu'au Col des Montets.

Panorama de la partie est des Aiguilles rouges


8h15, le parking de La Flégère est déjà noir de monde…Vive Cham’ !
 Nous laissons la foule s’écouler en allant boire un coup à l’hôtel L’Eden. Puis, nous prenons la benne, et le télésiège de l’Index. Chamonix et ses remontées ! J’ai perdu l’habitude…Vers 9h, nous nous mettons en route vers l’attaque de la voie Ravanel à l’Aiguille des Crochues. L’approche est très courte, moins d’une heure.

Nous nous mettons à grimper, les longueurs s’enchaînent, rapidement,  avec aisance et plaisir, quelques passages un peu raides, un peu de dévers, un peu de dalle, globalement une très jolie voie, variée, très bien équipée. Seul point noir, la météo, nuageuse le matin, les nuages continuent à s’amonceler ensuite, le vent souffle, il grêlera même très légèrement, la température est bien fraîche. Je savoure l’escalade, cela fait longtemps que nous n’avons pas fait de grande voie tous les deux comme cela, en corde tendue. Une fois n'est pas coutume, je ne suis pas trop à ma limite niveau grimpe, j’en profite ! Je n’ai pas intérêt à lambiner toutefois, Mathias veille. 

Dans la descente
Nous atteignons le sommet un peu plus d’1h30 après le début de l’escalade. De nombreuses cordées font la traversée des Crochues. Comme nous redescendons à contresens par l’itinéraire de début de cette traversée, nous croisons pas mal de monde. Nous suivons le fil de l’arête, avant de récupérer un sentier plus ou moins bien tracé, qui permet de rejoindre un petit col. Ce col est bien raide, en neige dure, mais, heureusement, le passage y a façonné d’énormes marches, bienvenues, pour nous qui avons laissé  les « grosses » à la voiture. A nouveau un petit sentier raide, puis nous retrouvons les névés de l’approche…et le télésiège de l’Index.


Tracé de la voie Ravanel


Topo C2C

lundi 15 juin 2015

Découverte du yoga



Un texte où il n’y a ni dégaine, ni basket…

Un texte sur ma découverte du yoga.  Non, je ne veux pas tomber dans la caricature du très à la mode sans lactose-sans gluten-zen -yoga-consommation locale, du moins, vais-je essayer.

J’ai commencé à prendre des cours de yoga en septembre dernier, des cours « débutant », sans prétention aucune, au public très varié. Les cours se déroulent toujours selon le même schéma : exercices respiratoires, postures, puis relaxation. Cette pratique me plaît mais avec, au premier abord, comme  un goût d’inachèvement, une déstabilisation aussi  pour moi qui ai l’habitude des sports très physiques, où l’on se force, se malmène. Je sens toutefois qu’il faut aller voir au-delà, insister, que, peut-être, derrière les exercices respiratoires qui me paraissent parfois ennuyeux et difficiles, se dessine un autre rapport au monde et à soi.

Et, soudain, au début du printemps, comme un déclic. Je me rends compte que j’attends les séances d’une semaine sur l’autre, qu’elles me procurent un réel bien-être, que j’entrevois cette pratique comme un élément important de ma vie. Dans cet attrait nouveau, il y a à la fois apaisement et élan, sérénité et découverte.

Oui, le yoga rassure. Je sais désormais que dans n’importe quel lieu où il est possible de se mouvoir un tant soit peu, je peux respirer, pratiquer quelques postures, et mettre les peurs, les ennuis, à distance. Pas les éradiquer mais simplement les repousser, m’en détacher pendant quelque temps, sans aucun accessoire ni artifice, avec uniquement mon souffle et mon corps. Après à peine 9 mois de pratique, à raison d’une heure quinze par semaine, je ne me targue pas une seconde d’être en mesure de donner des leçons ou d’accéder à un quelconque état supérieur de conscience, simplement, à mon petit niveau, j’ai acquis cette capacité, cette confiance, je sais que cela est possible. Je sais que quelques postures enchaînées en conscience peuvent me faire infiniment de bien, m’apaiser.
Le yoga ouvre sur un monde différent, différent de notre quotidien où il faut toujours faire plusieurs choses à la fois, aller vite, ne pas penser à son corps, ou quand on y pense, le forcer, le malmener, oublier la part corporelle et animale de notre existence.  Au yoga, cette existence corporelle redevient le centre. Nous sommes avant tout notre corps, on entrevoit d’infinies possibilités à la fois de le maîtriser et de le respecter, de l’écouter mais de savoir aussi l’exploiter à fond, le révéler. Tout ceci trouve un écho profond en moi. La pratique des raids multi-sports, du trail et de la haute montagne m’a inculqué ce mélange de confiance et de défiance qu’il faut avoir envers son propre corps pour parvenir à repousser ses limites…sans s’effondrer.  Écoute et révélation des possibles.

Dans un monde idéal, simplifié, épuré, pour moi, la vie pourrait se résumer à cela : se défoncer physiquement et nerveusement dans des efforts intenses comme ceux du trail et de la haute montagne, puis, se ressourcer, savourer la vie en pratiquant le yoga. Et recommencer.

mercredi 10 juin 2015

Le 7 juin 2015: Le Trail de l'Oisans




Un petit trail confidentiel pour se remettre en jambes !

Le départ du 40 km est donné à 8h, au col d’Ornon. Course très locale et intimiste, nous sommes environ 70 concurrents seulement, et 11 filles ! Tout commence par une petite boucle un peu au-dessus du col d’Ornon, puis, nous traversons la route et attaquons la 1ère grosse grimpette. Cela monte bien raide, grosses douleurs au bas des mollets, je me retrouve tout de même très vite 1ère fille, mais la 2ème est juste derrière.  L’arrivée au col est magnifique, le vallon qui s’étire de l’autre côté est très sauvage, il est encore tôt, la lumière est belle. Toutefois, ce paysage ne suffit pas à me donner des ailes dans la descente…Je sens mes mollets bien raides et manque de rebond dans les premières foulées. Je me fais doubler en trombe par tout un groupe de coureurs, dont l’autre fille qui me talonnait. Je ne la reverrai plus…J’avais oublié comme ce pouvait être violent les descentes à toute allure en trail. Quand c’est vraiment la course. Quand on entend les pas des autres juste derrière. Quand cela tape dans les genoux. Quand il faut s'arc-bouter pour ne pas rater le virage, emporté par la vitesse et la pente.

 Après le 1er ravitaillement (16ème km), commence la longue montée jusqu’au refuge du Taillefer. Le ravitaillement m’a requinquée. Je progresse bien jusqu’au Lac du Poursollet, montée peu raide, des traversées en sous bois, c’est ludique. Gros coup de cagnard dès le début de la montée au lac Fourchu. Je comptais gagner du temps et des places au cours de cette montée…eh bien, je me retrouve plutôt en mode « survie », à serrer les dents pour ne pas m’octroyer une petite pause. Je me sens très essoufflée, vidée, assoiffée. Les rayons du soleil m’accablent, j’ai l’impression que la chaleur m’écrase au sol. Mes espoirs de rattraper la 1ère fille s’effondrent.  Néanmoins, grâce à un gros effort de volonté, je ralentis, mais garde un petit rythme. 

L’arrivée au lac s’accompagne d’une baisse de la température, et du retour d’une brise rafraîchissante. De grandes étendues herbeuses…qui donnent envie de galoper, sauf que la fatigue est bien là, qui empêche de s’abandonner à cette ivresse. Vivement le ravito ! Un vrai soulagement d’y arriver, et de pouvoir boire, à grandes goulées. Quand il fait très chaud, la pipette de Camelback trouve rapidement ses limites.
Quelques verres d’eau, et de thé plus tard, ragaillardie, je me lance dans la descente. 11km ? 13 km ? Les sons de cloche des différents bénévoles divergent sur la distance qui nous sépare de l’arrivée. Je me dis qu’il reste une grosse dizaine de km. Descente sur un sentier herbeux, puis,  en forêt , petites remontées, descentes, traversées en dévers dans les arbustes, sauts de cours d’eau, le parcours s'étire en longueur, le cerveau se met sur "off" et le pilotage automatique de fin de course est en place...La fin de parcours est nettement moins intéressante et me paraît bien longue...

Une portion de route, encore une montée, une redescente, je me mets à courir, je pense que l’arrivée est juste là. Eh non, un virage à gauche, encore un petit coup de cul, marcher à nouveau, une interminable ligne droite sous des fils électriques. Je repars en courant, et le sommet de la côte, et quelques pas en descente, et voilà l’arche d’arrivée, et Mathias assis à gauche qui me voit arriver. Il est 14h, pile 6h de course !


Mathias a terminé le 24 km en 3h15 et finit 4ème au scratch.
Oscar, son plus jeune fils, termine 2ème de son mini-trail de 2.5 km.

Parcours du 40 km: parcours du tour du Taillefer: Col d'Ornon - Alpe du Grand Serre - Lac du Poursollet - Lac Fourchu -Refuge du Taillefer - Col d'Ornon

Matériel: Toujours mes fidèles Saucony Xodus aux pieds et mes bâtons Camp à la main!
Sac à dos Salomon S-Lab.

Site du Trail de l'Oisans: http://trailoisans.free.fr/